Détrompez-vous, le sexe est tout sauf le ciment du couple
Maïa revient sur une expression qu’elle déteste tout particulièrement : le sexe, ciment du couple. Cette idée reçue est un concentré de tout ce qui ne va pas dans notre vision de la sexualité.
« Le ciment du couple » : pas vraiment !
Sous-entendu : le sexe serait ce qui permet de faire tenir un engagement émotionnel.
Ça fait vingt ans qu’on entend cette expression, et je ne vais pas y aller par quatre chemins : le sexe ciment du couple, c’est un concentré de tout ce qui ne va pas dans notre vision de la sexualité. Déjà, la forme est nulle, on dirait un dépliant touristique pour ville de taille moyenne : « Montargis, la Venise du Gâtinais », « Reims, la cité des sacres », « Le sexe, ciment du couple ».
Deuxio, la forme est sournoise : de l’extérieur, c’est une métaphore, de l’intérieur, c’est une injonction – j’y reviendrai. Et enfin, pour parler du fond : le sexe ciment du couple que dalle, ça fait des décennies que la science le démontre et le redémontre, le sexe est le premier truc qui disparaît dans un couple, donc si c’est avec ce ciment-là que vous comptez faire tenir les murs de votre maisonnée, désolée, vous allez finir comme le premier petit cochon dans le conte – celui avec la maison de paille. Peut-être, peut-être que la vie sexuelle de ce petit cochon était formidable, peut-être qu’il avait un Kamasutra première édition dédicacée chez lui, mais en attendant ce cochon a été bouffé par le loup – prenez-en de la graine, les enfants.
Non sérieusement, parlons peu parlons bien parlons vrai : le ciment du couple, c’est le plateau télé – et éventuellement le partage des tâches ménagères. Écoutez-moi, je suis une experte : nos engagements durables sont faits de pizza froide et de canard WC : voilà, ça au moins ça tient la route !
Un ciment… à base de sexisme
Je reviens sur ce que la science nous raconte : on sait que les femmes se lassent avant les hommes du sexe conjugal (je dis bien : conjugal). Donc quand on répète que le sexe est le ciment du couple, c’est très spécifiquement aux femmes qu’on demande de faire de la maçonnerie. En plus, c’est hypocrite : on ne dit pas directement aux femmes de se soumettre au devoir conjugal, non, on leur explique seulement que si elles ne le font pas, elles vont détruire leur couple, finir à la rue, faire pleurer leur chien et traumatiser leurs enfants. Il faut dire les choses clairement : le sexe ciment du couple ça veut dire force-toi, pense à la nation…
Et pour peu que votre conjoint soit manipulateur ou violent, on n’est pas nécessairement très loin de la justification du viol conjugal. Ah bah oui, si le sexe cimente le foyer, et qu’on prétend protéger le foyer, alors le sexe devient un enjeu à maintenir coûte que coûte. C’est dangereux, et en plus c’est nul, puisque ce devoir conjugal aux allures de dalle de béton ciré, il n’est même pas favorable au plaisir : on se retrouve à transformer le sexe en tâche ménagère, pratiquée non pas pour soi-même ou pour l’autre, mais seulement pour la survie domestique. Au secours !
Le sexe n’a rien à voir avec l’engagement
Rien du tout et si je voulais être joueuse, ce serait même le contraire : quand les chercheurs demandent aux gens (homme comme femme) quelle expérience sexuelle, ils sont prêts à tolérer chez un partenaire sérieux, ils répondent : avant moi, c’est ok s’il y a eu deux ou trois personnes… Mais pas plus. Je traduis : quand il s’agit de se mettre en couple, on préfère des partenaires non seulement moins portés sur le sexe, mais moins expérimentés, qui a priori du coup sauront moins facilement comment nous faire jouir ou comment nous faire découvrir des choses.
En fait, c’est un peu comme s’il y avait une incompatibilité entre notre désir d’engagement et notre désir d’orgasme ébouriffant : le couple, manifestement, n’est pas une partie de plaisir. Et ça peut se comprendre : de tout temps, le sexe a menacé la stabilité sociale, donc on s’en méfie terriblement et le sexe nous fait nous désengager. Ce qui m’amène à ma conclusion du jour : la pizza froide est le ciment du couple, car le sexe n’engage rien d’autre que les terminaisons nerveuses. Et c’est très bien comme ça.
Maïa Mazaurette